De grandes villes et multinationales ont adopté cette approche couronnée de succès. Bromont emboîte le pas en intégrant cette ligne directrice dans son parc scientifique.
La biophilie est une science « qui étudie le lien inné entre l’homme et la nature ». Cette approche a pour objectif de proposer des aménagements qui facilitent la connexion de l’humain à la nature afin de profiter des bienfaits pour les employés et de générer des bénéfices pour les entreprises.
Bromont l’a bien compris en prenant cette tangente il y a quelques années déjà, un incontournable pour propulser son parc scientifique à un autre niveau. La Société de développement économique de Bromont (SODEB) a donc imbriqué la biophilie dans sa réglementation, de sorte que toute nouvelle entreprise qui vient s’établir dans son parc scientifique doit désormais présenter un plan d’aménagement spécifique pour obtenir l’aval des élus.
Agir en amont fait toute la différence. « Souvent, les aménagements paysagers sont réfléchis et réalisés à la fin. Par conséquent, les endroits de relaxation extérieurs pour les employés se retrouvent fréquemment dans des endroits inappropriés. Près d’une aire de livraison ou d’une sortie de ventilation », cite en exemple la directrice générale de la SODEB, Sylvie Adam.
En fait, Bromont a décidé de miser sur ce qui caractérise son ADN. « Ici, on a un cadre naturel exceptionnel. C’est entre autres pour ça que les gens viennent s’établir à Bromont. C’est aussi ça que l’on doit valoriser dans les milieux de travail. Le bien-être des employés, c’est critique, note la DG de la SODEB. Tu ne peux pas juste être devant un écran ou une machine sans jamais te ressourcer. »
Plusieurs grandes sociétés et parcs d’affaires à travers le monde, notamment en Europe et aux États-Unis, ont adopté la biophilie. Pensons notamment à Apple, Amazon, Google et Microsoft.
Déclinaisons
La biophilie n’est pas une science rigide. Plusieurs déclinaisons d’aménagements intérieurs et extérieurs sont possibles pour arriver à des résultats probants. À ce chapitre, Bromont préconise trois grands axes, desquels découlent 14 modèles. Pour qu’un aménagement paysager soit reconnu biophile, « au moins 10 de ces modèles doivent être appliqués ». Les modèles s’articulent notamment autour de la présence directe, physique et éphémère de la nature, des évocations biologiques, non vivantes et indirectes de la nature, et des configurations spatiales.
Retombées
Plusieurs études menées à travers le monde ont démontré que s’imprégner de la nature a plusieurs bienfaits pour l’humain. On parle entre autres de l’amélioration de la créativité et de l’humeur, de la baisse du stress et donc d’une meilleure santé globale. Un environnement de travail apaisant axé sur la nature réduit aussi l’absentéisme.
Les différentes investigations ont aussi démontré « qu’une présence assise en forêt d’une durée de 15 minutes permet de faire baisser le taux de cortisol (hormone du stress) de 15,8 % et que la vitesse du pouls baisse de 3,9 % », peut-on lire dans le guide d’aménagements biophiles de Bromont.
De plus, selon une étude menée aux États-Unis, le simple fait d’avoir un poste de travail ayant une vue sur la nature peut avoir une grande incidence sur le personnel. On a en effet relevé une hausse de la productivité allant de 6 % à 12 % chez ces employés comparativement à ceux qui ne pouvaient pas voir à l’extérieur.
Un concept qui fait du sens
Plutôt que d’envisager l’obligation d’intégrer la biophilie comme un frein, la plupart des entrepreneurs y voient une valeur ajoutée, affirme Sylvie Adam. « C’est très positif parce que les dirigeants d’entreprises voient la biophilie dans un contexte d’ensemble. Toutes les interconnectivités de sentiers vont aussi favoriser la mobilité active. Plusieurs initiatives pourront naître là-dedans. Et on espère que la vision de Bromont fera des petits ailleurs au Québec. »
Rootree, une entreprise spécialisée dans l’emballage écologique de produits alimentaires, implantera sous peu son quartier général à Bromont. L’ADN nature du parc scientifique a séduit le président-directeur général de la société, Philippe St-Cyr. « J’aime beaucoup la vision de Bromont avec son parc biophile. Un édifice industriel intégré à la nature, ça cadre parfaitement avec notre compagnie. On veut clairement amener notre culture d’entreprise ici », a-t-il indiqué.
La firme d’architecture Muuk s’enracine aussi dans le parc scientifique et plusieurs membres de l’équipe de l’entreprise ont suivi une formation poussée au International Living Future Institute, axée notamment sur la biophilie. « C’est un élément de l’architecture et de l’aménagement. Un nouveau mot pour dire que le lien avec la nature est prépondérant du bien-être des occupants d’un lieu », résume Marie Isabelle Gauthier, architecte associée chez Muuk.
Reste maintenant à voir si la biophilie demeurera une nouvelle tendance à long terme dans le milieu des affaires. « Je ne pense pas que l’on parle de mode. En fait, c’est une nécessité pour repenser les parcs technologiques ou les espaces de bureau. Rendre les usagers d’un espace plus heureux au-delà de leur propre volonté, ça ne peut qu’être bon, estime Mme Gauthier. Et surtout pour rencontrer les enjeux des entreprises pour attirer et garder la main-d’oeuvre. C’est donc une approche qui est loin d’être anodine. »
Source : La Voix de l’Est